Culture Basara : Quand l’insolence et l’arrogance créent les grands aspects culturels du Japon.

Pour certains Japon rime avec manga, culture otaku et animé. Pour d’autres, saké, bière et whisky. Et pour la plupart il est synonyme de raffinement, d’art et de rituels ! En parlant l’autre jour avec ma grand-mère sur la culture japonaise, elle me racontait avec fierté son achat d’un livre sur la cérémonie du thé et d’un autre sur le théâtre Nô. Étant étudiant en langue et civilisation Japonaise je ne pouvais que machinalement la féliciter mais aussi me rappeler de leur origine tirée de la culture Basara (ばさら). Cette culture contraste pourtant totalement avec la rigueur et la codification symbolique de la cérémonie du thé et d’autres « arts » qui en découle, comme les arrangements floraux par exemple. Voyons ensemble cette culture au carrefour du raffinement et de l’extravagant.

 

Sasaki Dôyo, le « vaurien »* à l’œuvre du raffinement. 

 

    En 1340, le gouverneur militaire dénommé Sasaki Dôyo est condamné à l’exil par le shogunat Ashikaga (gouvernement militaire) pour « conduite dissolue » après avoir brûlé un temple de moines. Chef d’un groupe de vauriens, il était comme beaucoup de samouraïs un adepte de fêtes mais aussi de rituels sortant alors de l’ordinaire pour l’époque. Malgré son comportement provocateur et grossier, il est décrit dans « Histoire des Samouraïs » de Pierre-François Souyri comme un militaire cultivé mais surtout très avant-gardiste en ce qui concerne les arts. Il contrastait des hommes de son temps par l’organisation de banquets avec des hommes qu’il apprécie sans regarder les rangs sociaux et le sexe. Il était un des premiers à consommer du thé non pas comme remède médical mais boisson à savourer et aimait réunir des gens qui en partageaient les mêmes attraits. Il faisait de même en organisant des concours de poèmes et des mises en scène de théâtre « Dengaku ». Il était aussi un amateur des parfums et de « l’art de fleurs ». 

 

* : Repris sous ce terme par Pierre-François Souyri dans « Histoire des Samouraïs » (2024), il est traduit du Japonais akuto. Il désigne des samouraïs qui semaient la discorde chez les paysans. 

 

La culture Basara comme contre-culture de la cour impériale

    Le personnage de Sasaki Dôyo est très certainement la personnification de la culture Basara. Une culture qui se démarque du raffinement impérial (largement influencé par les rituels chinois) par son extravagance et son ostentation, symbolisées par ses grands banquets mélangeant femmes et hommes. Fêtes extravagantes qui sont elles-mêmes contrastées par des pratiques artistiques telles que le théâtre et accompagnées par un goût du luxe et de la mode. On peut considérer le culture Basara comme une contre-culture de celle de la culture impériale qui restait très distinguée, complètement opposée à l’animation que propose la culture Basara ainsi qu’à l’attitude Basara qui, comme nous l’avons vu avec le cas de Sasaki Dôyo, est représentative de l’insolence et de l’arrogance. Mais surtout, la culture Basara apparaît comme ouverte à tous, comme plus populaire. La culture impériale restait strictement fermée pour les courtisans du palais de l’empereur.

 

Et maintenant ?

    Comme amorcé dans l’article, la culture Basara est à l’origine de beaucoup d’aspects très populaires de la culture japonaise. Les dégustations de thé muteront vers des cérémonies plus codifiées résultant sur les célèbres cérémonies du thé. Le théâtre Dengaku lui, donnera naissance au célébrissime théâtre Nô avec leur costumes typique qui vont avec. Le fameux « Art des fleurs » dont Dôyo était fan deviendra plus tard les arrangements floraux japonais et les concours de poèmes persisteront jusqu’à nos jours. Sur un aspect tourné sur la pop culture on peut supposer que les personnages de mangas aux caractères arrogants, extravertis et sulfureux sont inspirés d’une attitude dite Basara. Plus récemment, le créateur Yohji Yamamoto sort en 1997 une collection qui contraste grandement avec la mode Japonaise de la même époque qui peut évoquer le phénomène de la mode Basara qui sortait elle même des codes vestimentaires établis à son époque.     

    La culture Basara, c’est cette culture qui vient bousculer les codes culturels établis avec grossièreté mais aussi avec un certain raffinement et une conception du luxe propre à elle. Elle pourrait, peut-être, être considérée dans un certain sens comme une culture purement festive et populaire. N’ayant jamais visé à renverser un dogme culturel, mais plutôt permis à des individus de se créer une identité festive qui ne requiert pas un cadre impérial et raffiné.  


Côme Jacquinet 

 

Source :

« 70. Esthétique Basara et Ikebana », maurokorangraf.ch, 31 mars 2023, https://www.maurokorangraf.ch/language/fr/70-esthetique-basara-et-ikebana/ 

« Histoire des Samouraïs », Pierre-François Souyri, Champs Histoire, 2024

 

« Sasaki Dôyo », Wikipedia.org :

Version Française : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sasaki_Dōyō, 20 février 2025

Version Anglaise : https://en.wikipedia.org/wiki/Sasaki_Takauji, 17 février 2025

Version Japonaise : https://ja.wikipedia.org/wiki/佐々木道誉, 7 mai 2025