La cité de Dieu ?

La pensée politique s’est fréquemment employée à opposer l’imparfait, le conflictuel et l’instable à l’idéal de perfection, imaginant un mouvement qui part du réel pour tendre vers l’objectif politique fixé.

 

Ainsi, au Vème siècle, saint Augustin, témoin de l’effondrement de l’Empire romain, imagine dans La Cité de Dieu une communauté idéale fondée sur la paix, la justice et l’amour divin, par contraste avec la cité terrestre, dominée par l’orgueil et la violence. Ce modèle spirituel continue de structurer l’imaginaire politique : celui d’une cité humaine capable de transcender les rapports de force au nom d’un bien commun supérieur.

 

C’est dans cet écart entre réalité et idéal qu’a longtemps pris place l’ambition européenne. Le 21 août 1849, Victor Hugo plaidait déjà  pour les États-Unis d’Europe devant un auditoire dubitatif. Depuis, José Ortega y Gasset, Winston Churchill, Mustafa Kemal Atatürk ou François Mitterrand ont prêté leur voix à une idée simple dans son principe, mais redoutablement complexe dans son exécution : faire de l’Europe un espace commun de paix, de droit et de puissance collective dont l’union européenne, en tant que construction politique inédite pourrait être l’aboutissement.

 

Mais un siècle après sa genèse, cette union apparaît encore fragile, inachevée, traversée de contradictions. Elle doute de sa propre légitimité, peine à parler d’une seule voix, et peine encore davantage à incarner une vision. Dans un monde fragmenté dans lequel les alliances se recomposent, et les menaces deviennent systémiques, cette indécision relève désormais de la vulnérabilité majeure.

Dès lors, une question s’impose : que reste-t-il aujourd’hui du projet européen, sinon une tension entre promesse (politique) et désenchantement (démocratique) ? Pourquoi, malgré ses blocages, son déficit de lisibilité et ses désillusions, l’union de l’Europe reste-t-elle un enjeu crucial ? Et surtout quelles conditions seraient nécessaires pour en raviver la pertinence, non par dogme, mais par nécessité ?

 

I- L’Europe aujourd’hui ?

A- Une identité toujours à construire

 

Réduire l’Europe à une simple entité géographique, c’est d’ores et déjà nier la profondeur et la complexité de sa question identitaire. Jürgen Mittelstraß résumait parfaitement cette impasse : “Qui tente de définir l’Europe de manière géographique l’a déjà perdue”. En effet, d’un point de vue géologique, l’Europe n’est guère distincte de l’Asie, laquelle n’est elle-même séparée de l’Afrique que par un mince filet d’eau, le Nil. Les Grecs, dès l’Antiquité, ont certes fixé des frontières conventionnelles, mais celles-ci ne reposent sur aucune réalité physique absolue. Nietzsche, avec lucidité, parlait d’ailleurs de l’Europe comme d’ “une petite péninsule à l’extrémité occidentale de la vieille Asie. Il n’est évidemment pas ici question de nier l’évidente différence subsistante entre les rives de Tripoli et les plages d’Ostende.

 

Cette absence de fondement géographique indéniable et rigide ouvre un champ immense de subjectivité : où commence, où s’arrête l’Europe ? Quels sont ses contours légitimes ? Doit-on inclure la Turquie, le Caucase, ou même les marges orientales jusqu’aux confins russes ? Ce flou alimente pour partie une incertitude existentielle sur ce qu’est réellement l’Europe, sur qui peut y appartenir.

 

Face à ce flou, on peut opposer une autre définition, plus exigeante et profondément enracinée dans l’histoire des idées : celle de Paul Valéry, qui affirmait que “partout où les noms de César, de Gaius, de Trajan et de Virgile, partout où les noms de Moïse et de saint Paul, partout où les noms d’Aristote, de Platon et d’Euclide ont eu une signification et une autorité simultanées, là est l’Europe. Toute race et toute terre qui a été successivement romanisée, christianisée et soumise, quant à l’esprit, à la discipline des Grecs, est absolument européenne".

 

Cette vision repose sur une triple filiation : latine, chrétienne et hellénique, autrement dit, un héritage culturel et intellectuel partagé. L’Europe est là où s’est construit ce socle civilisationnel unique. Partant de ce postulat, “ l’eurasiatisme” ou “l’eurafrasisme”  relèveraient avant tout du fantasme. L’Europe est enracinée : elle ne s’exporte pas.

 

Pourtant, les institutions européennes restent encore vagues sur leurs origines. Le traité fondant la CEE évoque les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens sans pour autant les définir jusqu’à en devenir tautologique : un peuple européen est l'ensemble des citoyens des pays membres de l’union européenne… ce qui n’explique rien.

 

Or, ce vide identitaire affaiblit structurellement la solidarité entre États membres. Comment imaginer une entraide sincère entre nations si leurs peuples ne se reconnaissent pas dans une même appartenance ? 

 

Sans sentiment partagé, les plus prospères auront peu de raisons d’aider les plus fragiles. Dès les années 1980, Milan Kundera alertait de façon clairvoyante sur cette Europe qui serait réduite au marché, dominée par les médias, vidée de substance affective, qui tolère tout mais ne protège plus rien. En l’absence de lien identitaire, l’Union devient un simple gestionnaire, et non un projet commun.

 

B- Une construction déséquilibrée : l’économie avant la politique

 

Force est de constater que l’Union Européenne s’est construite à l’envers des nations classiques. Si sa naissance peut s’apparenter à un acte politique fort , elle ne relève pas d’une volonté populaire unifiée, mais d’un enchaînement d’accords technocratiques fondés sur la coopération économique. La CECA en 1951, puis le Traité de Rome en 1957, visaient à instaurer une paix durable via l’intégration des marchés. Cette logique s’est prolongée avec la monnaie unique (euro), les traités de Maastricht puis de Lisbonne, et les vagues d’élargissement, renforçant une Union centrée sur l’économie.

 

Ce socle économique bien que structurant n’a pas été accompagné d’un projet politique ou culturel équivalent. L’Union agit comme une super-agence de régulation, politique agricole commune, Erasmus, concurrence, normes,  mais elle n’incarne aucun récit collectif. Jean Monnet, l’un des pères de l’Europe, le reconnaissait lui-même rétrospectivement : “Si c’était à refaire, je commencerais par la culture”.  

 

Cette absence de mythe fondateur et de récit commun rend l’Union fragile face à la défiance citoyenne. Elle reste une entité puissante économiquement, mais désincarnée, presque invisible politiquement qui peine à fédérer les imaginaires.

 

C- Un déficit démocratique structurel

 

Et pour cause, l'Union européenne fonctionne avant tout, et de façon logique, sans kratos, c’est-à-dire sans véritable pouvoir populaire. Le Parlement européen, pourtant élu au suffrage universel, ne détient pas le droit de vote sur l’impôt, ce qui va à l’encontre de l’essence du parlementarisme classique, fondé sur le lien entre consentement à l’impôt et souveraineté. Le pouvoir réel reste concentré entre la Commission, le Conseil et la BCE, au détriment de la légitimité démocratique directe.

 

Cette technocratie renforce le sentiment de dépossession. Les référendums ignorés, comme en France et aux Pays-Bas en 2005, ou en Irlande en 2008, ont alimenté la méfiance. Il ne s’agit pas ici de nier les bonnes intentions des responsables européens, souvent convaincus que seule une structure politique forte peut garantir la stabilité du continent. Mais la manière de gouverner interroge : ces procédés s’assimilent à des stratégies de contournement de la volonté populaire, frôlant parfois des campagnes de “pédagogie autoritaire”, où la communication et l’expertise remplacent le débat démocratique. On entre alors dans une époque de technocratie politique, où des  “spécialistes objectifs” dictent les grandes orientations sans validation citoyenne.

 

Cette logique technocratique nourrit une fatigue démocratique profonde renforcée par une architecture institutionnelle complexe voire difficilement abordable et un droit de veto paralysant sur les sujets cruciaux (fiscalité, diplomatie…). Cela permet certes aux petits États de ne pas être marginalisés, mais empêche aussi la rapidité, l’efficacité, et la vision stratégique dont l’Union aurait besoin.

 

D- Crises identitaires et tentations souverainistes

 

L’incapacité de l’Union à se doter d’un socle identitaire clair et d’une légitimité démocratique solide mène aussi au retour des mouvements souverainistes. Le Brexit, Viktor Orbán, les partis eurosceptiques ne sont pas de simples anomalies : ils incarnent le rejet d’une Union perçue comme lointaine, froide, étrangère aux réalités des peuples. Le général de Gaulle l’avait bien compris : les grandes figures culturelles européennes,  Dante, Goethe, Chateaubriand, ont rayonné parce qu’elles étaient enracinées dans leur nation. C’est à partir de cette base que leur message a touché l’Europe entière. À l’inverse, une Europe désincarnée, construite sur un internationalisme abstrait, reste vulnérable, artificielle et sans élan.

 

Sans ancrage culturel partagé, l’entraide européenne devient un simple calcul économique. Pourquoi aider un pays en difficulté si l’on ne se sent aucun lien avec lui ? La solidarité devient une ligne budgétaire et non un réflexe de destin commun. Cette logique instrumentale, purement institutionnelle, ne peut susciter l’adhésion durable des peuples.

 

À l’inverse, une Europe post-nationale sans récit commun apparaît comme inefficace, illisible, voire indifférente aux aspirations populaires. Ce vide est précisément ce que les populismes viennent combler, parfois avec brutalité, mais toujours avec efficacité électorale. Leur ascension renforce le risque d’un morcellement du continent, d’un affaiblissement collectif face aux grands blocs mondiaux. Une Europe fragmentée, repliée sur des nationalismes antagonistes, serait politiquement impuissante, économiquement fragile et culturellement marginalisée.

 

L’Union européenne souffre aujourd’hui d’un triple déficit : d’identité, de légitimité démocratique et de puissance politique. Elle n’est ni une fédération pleinement constituée, ni une confédération clairement assumée. Elle peine à articuler marché, démocratie et mémoire commune. Pour retrouver un élan à la hauteur des défis du XXIe siècle, elle devra surmonter ces impasses. Car aucune communauté politique ne peut se construire durablement sans une forme d’espérance collective, un horizon partagé qui dépasse les intérêts immédiats. Comme le rappelait Augustin en opposant la cité des hommes à celle fondée sur une quête d’idéal, l’Europe devra, elle aussi, se penser autrement : non plus seulement comme un espace, mais comme un dessein. Peut-être justement en adoptant les réflexes suivants…. 

 

II- Pourquoi s’unir ?

A- Qu’est-ce qui unit les Européens ?

 

Limiter l’Europe à sa géographie, c’est méconnaître l’essence même de ce qu’elle représente. Cette approche, réductrice, ignore le fait que la notion de “continent européen”  n’a jamais fait, comme mentionné plus tôt, l’objet d’une délimitation officielle et stable : la frontière orientale, par exemple, varie selon les époques, les lectures culturelles, religieuses ou géopolitiques. Cette indétermination n’est pas un détail technique, elle révèle un malaise plus profond, une fragilité identitaire. Plusieurs penseurs y voient le symptôme d’un vide idéologique : si l’on ne parvient pas à dire ce qu’est l’Europe autrement que par des coordonnées géographiques, alors on échoue à en formuler l’essence politique, historique et civilisationnelle.

 

L’Union européenne, pour combler ce vide, affirme son attachement à un socle de valeurs universelles, dignité humaine, démocratie, liberté, égalité, État de droit, droits humains. Ces principes, posés notamment dans le Traité de Lisbonne (2007), sont fondamentaux au sens juridique du terme. Mais ils ne suffisent pas à forger un sentiment d’appartenance distinctement européen. Ils ne sont pas spécifiques au Vieux Continent : des États non européens comme le Japon, la Corée du Sud ou le Canada peuvent y adhérer sans que cela implique une quelconque inclusion dans une communauté politique ou culturelle européenne.

 

Pire encore, leur universalité proclamée est parfois si vague qu’elle en devient manipulable. Des régimes autoritaires, comme l’Union soviétique, ont pu se réclamer de valeurs telles que l’égalité ou la justice sociale. Ce flou sémantique affaiblit toute tentative de construction identitaire politique cohérente. Ce n’est pas la simple déclaration de valeurs partagées qui fait civilisation, mais le récit collectif qu’elles incarnent et l’expérience historique commune qui les porte.

 

Or, l’Union européenne souffre d’un désintérêt manifeste pour cette épaisseur historique. Rarement les institutions européennes mobilisent ou valorisent les grands piliers de la culture européenne : la philosophie grecque, le droit romain, la chrétienté médiévale, la pensée humaniste et rationaliste des Lumières, le legs littéraire et artistique commun... Ce silence contribue à nourrir l’idée d’une Europe gérée par des “eurocrates”  déconnectés des peuples, enfermée dans un langage technocratique, sans incarnation symbolique.

 

L’historien Rémi Brague parle à ce titre de recul de l’identité européenne”, une incapacité structurelle à assumer, transmettre et faire vivre les fondements d’une civilisation vieille de deux millénaires. L’Union, qui devrait être la dépositaire de cette mémoire, semble parfois même la refouler. À force de viser l’universalisme abstrait, elle a oublié de raconter ce qui fait sa singularité.

 

Et pourtant, l’existence d’une identité européenne spécifique se manifeste avec une acuité particulière lorsqu’elle est confrontée à des cultures extérieures. C’est dans l’altérité que les contours d’une sensibilité propre émergent. Même face à d’autres cultures occidentales, comme celle des États-Unis,  les Européens ressentent une proximité intérieure qui transcende les nationalités. L’écrivain Umberto Eco exprime l’essentiel en une formule intéressante :

 

A l'intérieur même de la civilisation occidentale, nous percevons de plus en plus une identité européenne. Peut-être ne s'affirme-t-elle pas quand nous, Européens, nous visitons un autre pays européen, car, dans ce cas, ce qui ressort, ce sont plutôt les différences, mais les mêmes différences sont ressenties par un Milanais qui va à Palerme ou par un Calabrais qui arrive à Turin. Cette identité européenne s'affirme pourtant dès que nous sommes en contact avec une culture extra-européenne, y compris la culture américaine: il y a des moments (...) où nous percevons soudain une sensibilité commune qui fait que nous sentons comme plus familier le point de vue, le comportement, les goûts d'un Français, d'un Espagnol ou d'un Allemand que ceux des autres

 

B- Face à quoi devons-nous nous unir ?

 

Nietzsche pressentait déjà, en 1886, la nécessité pour l’Europe de dépasser la “petite politique”, marquée par les rivalités provinciales et la fragmentation, afin d’entrer dans l’ère de la “grande politique”. Selon lui, seule une menace extérieure,  en l’occurrence celle de la Russie, pouvait contraindre les Européens à se doter d’une volonté commune. Plus d’un siècle plus tard, cette question demeure d’ actualité. : l’heure de la grande politique a-t-elle véritablement sonné et, si tel est le cas, qui en sera le catalyseur ?

 

Le retour de la guerre sur le sol européen a déjà provoqué une rupture majeure. Elle a mis un terme à la croyance, longtemps dominante dans l’après-Guerre froide, selon laquelle la mondialisation, l’interdépendance économique et la densification des échanges seraient susceptibles de neutraliser ou, à tout le moins, de contenir les logiques de puissance et les instincts de conquête. Cette vision libérale, qui faisait du commerce un vecteur naturel de pacification entre les nations, s’est heurtée à la résurgence brutale d’un conflit interétatique de haute intensité. L’agression russe contre l’Ukraine a démontré au contraire la vulnérabilité de l’Europe et replacé au premier plan la guerre conventionnelle de haute intensité entre États. Elle s’accompagne en outre de menaces hybrides qui brouillent les frontières entre guerre et paix : instrumentalisation des flux migratoires et des réfugiés, campagnes massives de désinformation, cyberattaques, ou encore ingérences électorales observées en Géorgie, en Moldavie et en Roumanie. Cette réalité contraste avec l’idée, longtemps dominante, que l’Europe n’aurait plus à se préparer qu’à des interventions expéditionnaires lointaines ou à la lutte contre le terrorisme. Elle contraint désormais les Européens, parfois malgré eux, à réaffirmer la nécessité d’un ordre international fondé sur des règles et sur la coopération multilatérale, tel que consacré par la Charte des Nations unies, face à des puissances nostalgiques de leur grandeur impériale et qui assument pleinement le recours au rapport de force. 

 

Pourtant avant même le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’ancien Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité/Vice-président de la Commission, Josep Borrell, avait souligné combien l'Europe était en danger. À ses yeux, si l'Union européenne voulait encore compter sur la scène internationale, elle se devait de surmonter ses frilosités, affronter le monde tel qu'il est et non pas tel que nous l'aurions rêvé, c’est-à-dire simplement se donner pour ambition de devenir un véritable acteur géopolitique et se doter des outils lui permettant de parler le “langage de la puissance”.

 

La “brutalisation” certaine du monde doit donc conduire à une prise de conscience forte : l’Union européenne incarne un modèle de coopération entre Etats fondé sur l’économie, qui ne correspond plus à l’évolution du contexte global ; elle doit à son tour devenir un acteur géopolitique et mettre au service de cet objectif son pouvoir réel en matière géo-économique.

 

C- Quels bénéfices pour une Europe unie ? 

 

L’unification du continent européen ouvre un large champ inexploité de possibilités stratégiques, économiques, sociales et géopolitiques qui permettrait à l’Union européenne d’ambitionner un rôle central dans un monde de plus en plus multipolaire. Forte de sa diversité culturelle, de ses ressources, de son poids économique et démographique, l’Union européenne aspire à défendre ses intérêts propres sans dépendance excessive vis-à-vis d’alliés extérieurs, et notamment sans alignement automatique sur les États-Unis ou association malheureuse avec la Chine. L’objectif est donc clair : devenir un acteur stratégique autonome, capable de porter ses valeurs, de défendre ses frontières et d’exercer une influence stabilisatrice dans son voisinage immédiat. Ambition atteignable au vu du potentiel européen…

 

D’un point de vue militaire, une Europe unie dispose déjà d’un budget de défense supérieur à celui de la Chine, aujourd’hui deuxième puissance mondiale. Cette puissance financière, si elle est mutualisée et orientée dans une logique de défense commune, pourrait permettre à l’Union de réduire significativement sa dépendance envers le parapluie sécuritaire américain - notons la  présence persistante de bombes nucléaires américaines sur le sol européen -  et d’assumer ses responsabilités régionales, notamment dans ses abords immédiats : Méditerranée, Proche-Orient, Caucase, Balkans.

 

Dans le domaine énergétique, l’Union a déjà tiré les leçons de la crise du gaz russe. Une gouvernance renforcée, capable d’assurer la diversification des sources, le développement des énergies renouvelables et la sécurité des approvisionnements, suppose une politique énergétique intégrée. Là encore, l’unité est un levier de souveraineté.

 

Plus globalement, une Europe plus unie pourrait affirmer un modèle singulier face aux grandes puissances. Ce que l’on appelle communément le “modèle social européen” repose sur une articulation originale entre croissance économique, protection sociale, et droits fondamentaux. Il se distingue aussi bien du capitalisme dérégulé anglo-saxon que des régimes autoritaires. Mais ce modèle ne peut survivre que s’il est défendu activement, dans les négociations commerciales, dans les politiques fiscales, ou encore face aux chocs externes.

 

L’approfondissement de l’Union européenne passe aussi par un élargissement réfléchi. Longtemps perçue comme un facteur de dilution, l’intégration de nouveaux États membres apparaît aujourd’hui comme un levier géopolitique. Chaque élargissement est une manière de stabiliser une région, de prévenir les ingérences extérieures, et d’accroître la capacité d’influence de l’Union.

 

Le cas de l’Ukraine est emblématique. Au-delà de l’enjeu symbolique, l’adhésion de Kiev offrirait à l’Union un partenaire doté d’une expérience militaire significative, de ressources énergétiques et agricoles stratégiques, et d’un écosystème numérique dynamique. Les arguments présentés ici valent dans une certaine mesure pour d’autres candidats à l’adhésion, dont les bénéfices peuvent paraître moins évidents, mais qui, en entrant dans le giron européen, se détourneraient des influences autoritaires ou instables.

 

Il est toutefois important de noter que l’intégration de neuf nouveaux pays impliquerait un effort budgétaire conséquent. En effet selon une étude relayée par le Financial Times en 2023, le budget de l’UE pourrait croître de 21 %, atteignant 1,47 trillion d’euros, soit 1,4 % du revenu national brut des 36 pays membres potentiels (aujourd’hui 1,2%). Les États riches comme la France, l’Allemagne ou les Pays-Bas verraient donc leur contribution nette augmenter. Le cas particulier de l’Ukraine, qui pourrait recevoir jusqu’à 95 milliards d’euros de subventions agricoles, obligerait à réduire d’environ 20 % les aides des autres pays. De plus, les candidats à l’adhésion, souvent moins développés économiquement, nécessiteraient des investissements importants dans le cadre de la politique de cohésion. Mais ces charges ne seraient ni inédites, ni insurmontables : des mécanismes de transition ont déjà été employés par le passé, comme une montée en puissance progressive des aides agricoles (40 % la première année, puis +10 % par an). Ainsi, selon l’économiste Johannes Lindner, le surcoût annuel serait de 19 milliards d’euros, soit une hausse de 10 % du budget global, représentant seulement 0,13 % du PIB européen,  un chiffre comparable à celui de l’élargissement massif de 2000–2010.

 

Face à la complexité croissante des élargissements, une approche plus pragmatique et réaliste est en cours de réflexion : l’intégration graduelle. Il est désormais évident que la méthodologie actuelle d’adhésion, conçue pour des pays déjà alignés sur les standards européens comme la Norvège, ne peut être appliquée telle quelle à des pays comme l’Ukraine, la Moldavie ou la Géorgie. Les Balkans occidentaux relèvent également d’un traitement spécifique. L’adhésion totale, repoussée dans un horizon incertain, décourage les réformes. L’intégration graduelle, en revanche, repose sur trois principes clés : remplacer le système binaire aide pré-adhésion / fonds post-adhésion par un accès progressif aux ressources ; avancer par étapes selon les réformes accomplies ; instaurer une phase de consolidation ou probation avant l’adhésion définitive. Cette méthode a été adoptée par la Commission, le Parlement et le Conseil européen. 

 

Certaines propositions recommandent aussi une adhésion par blocs horizontaux (tous secteurs confondus), avec notation et progression conditionnée. D’autres appellent à un engagement politique préalable fort (alignement sur la politique étrangère commune, adoption de la Charte des Droits fondamentaux). Des secteurs comme l’énergie, les transports ou le marché unique pourraient être priorisés, permettant un ancrage concret et crédible des pays candidats. Une étape cruciale consisterait à devenir “membre associé”, avec presque tous les bénéfices de l’adhésion mais sans droit de veto, ce qui laisserait le temps à la normalisation des conflits ou à la consolidation des réformes.

 

L’Europe à deux vitesses, ou plutôt à rythmes différenciés, s’impose désormais comme une nécessité stratégique, dans un monde où les décisions précipitées ou idéologiquement guidées pourraient fragiliser l’ensemble du projet européen. La Commission, fidèle à sa prudence institutionnelle, esquisse déjà cette logique de “différenciation”. Elle devra toutefois aller au-delà de l’esquisse : proposer une vision claire, structurée, chiffrée, capable d’expliquer aux citoyens les contraintes, les risques, mais aussi les perspectives immenses que recèle ce nouvel élargissement. Car s’il s’agit bien là d’un investissement de long terme pour la paix, la sécurité et la prospérité du continent, encore faut-il réussir à susciter un assentiment plus profond,  non seulement rationnel, mais presque existentiel. À l’instar des grandes communautés durables, l’Europe ne pourra s’unir que si elle donne à chacun de ses peuples une raison de croire en un ordre plus grand que la simple addition des intérêts…

 

III. Réinventer l’intégration européenne :

 

A- Les impasses du passé

 

L’Europe est un idéal qui a, à de nombreuses reprises, émergé au cours de l’Histoire. Dès l’entre-deux-guerres, l’idée d’une Europe unie est en effet apparue comme une réponse politique aux nationalismes destructeurs. Plusieurs penseurs, tels que Richard Coudenhove-Kalergi ou Altiero Spinelli, ont tenté d’imaginer une Europe fédérale non pas comme un simple agencement technique, mais comme une véritable communauté de destins. Kalergi, dans son manifeste Paneuropa (1923), plaidait pour une union des peuples européens sur le modèle fédéral, avec des institutions communes, une défense partagée et une union douanière. Il voyait dans l’Europe un espace de culture, de droit, et de responsabilité politique.

 

Spinelli, enfermé par le fascisme sur l’île de Ventotene, allait plus loin encore. Dans son manifeste rédigé en 1941, il appelait à une rupture radicale avec l’Europe des États-nations : seule une fédération supranationale, reposant sur un transfert réel de souveraineté, pourrait selon lui garantir la paix et la justice. Il ne s’agissait pas de coordination entre gouvernements, mais d’un pouvoir politique nouveau, situé au-dessus des États.

 

Ces ambitions fondatrices ont toutefois été rapidement absorbées,  voire détournées, par une logique différente. L’Europe d’après-guerre, au lieu de suivre ce cap résolument politique, s’est orientée vers une construction essentiellement économique et juridique, à travers la CECA en 1951, puis le Traité de Rome en 1957. La paix, au lieu d’être garantie par une volonté politique commune, devait naître du marché. L’idée d’ “Europe des peuples” a peu à peu cédé la place à une Europe des “procédures”, pilotée par des institutions techniques, fondées sur la régulation plutôt que sur l’imaginaire collectif.

 

Ce glissement vers une approche technocratique a fini par marginaliser l’idéal fédéral. Le fédéralisme n’a pas disparu,  il est même encore évoqué à intervalles réguliers comme un horizon souhaitable,  mais il n’a jamais été pleinement assumé. L’Europe réelle s’est constituée par couches successives, souvent sous l’effet des circonstances, sans vision directrice claire. À défaut d’un véritable projet fondateur, elle a accumulé les compétences sans produire de légitimité forte. Le traité de Maastricht (1992), en instituant l’Union européenne et en créant l’euro, a certes marqué une avancée spectaculaire dans l’intégration commune des pays de l’Union, mais sans réelles fondations politiques partagées. Le fédéralisme initial a été remplacé par ce que l’on pourrait appeler un fédéralisme implicite, silencieux, presque honteux, qui avance sans le dire, sans récit ni incarnation.

 

Ce déséquilibre originel pèse encore aujourd’hui. L’Europe s’est construite par le haut, sans enracinement populaire, sans véritable débat public transnational, et sans lien organique entre les institutions et les peuples. Elle est perçue, souvent à juste titre, comme un système clos, régi par des logiques de consensus entre gouvernements, où les citoyens n’ont qu’un rôle marginal. L’enthousiasme des pionniers a laissé place à une forme de résignation fonctionnelle.

 

L’histoire de la construction européenne témoigne ainsi d’un double paradoxe : elle est née d’un idéal politique fort, mais s’est développée dans une dynamique technocratique. Elle se réclame de la démocratie, mais souffre d’un déficit chronique de légitimité. Elle invoque l’unité, mais avance sans mythe fédérateur. Ce divorce entre les ambitions fondatrices et la réalité institutionnelle explique en grande partie la défiance actuelle : les peuples peinent à s’identifier à une Europe sans visage, sans récit, sans passion.

 

B- Crises et bifurcations, vers une intégration par la légitimité ?

 

Les dernières grandes secousses mondiales, pandémie, guerre en Ukraine, tensions géopolitiques, ont paradoxalement contribué à révéler une autre facette de l’Union européenne : sa capacité, parfois insoupçonnée, à réagir avec rapidité, cohésion et efficacité. Face au choc du Covid-19, l’UE a rompu avec ses réflexes habituels de prudence budgétaire pour adopter un plan de relance d’une ampleur inédite. Le programme “Next Generation EU", doté de 800 milliards d’euros, a constitué une véritable percée politique : pour la première fois, les États membres ont accepté un endettement commun pour financer des investissements européens, sous forme de subventions à hauteur de 50 %. Ce geste, impensable quelques années plus tôt, a temporairement brisé un tabou, celui de la mutualisation des dettes,  et ouvert un espace de solidarité nouvelle.

 

Cette réactivité s’est prolongée avec la guerre en Ukraine. L’Union, souvent critiquée pour sa lenteur et sa frilosité diplomatique, a fait front de manière relativement unie. Des sanctions économiques d’ampleur contre la Russie ont été adoptées, l’aide militaire à l’Ukraine s’est organisée via la “Facilité européenne pour la paix”, tandis que des millions de réfugiés ukrainiens étaient accueillis dans les pays membres avec un degré de coordination peu commun. Au-delà de la simple gestion de crise, ces réponses ont esquissé les contours d’une Europe plus stratégique, plus consciente de ses responsabilités géopolitiques. Jean Monnet, l’un des pères fondateurs, l’avait anticipé : “L’Europe se fera dans les crises”. Et de fait, ces événements ont brièvement ressuscité une certaine idée de l’Europe comme acteur de l’histoire, capable de parler d’une seule voix dans les moments cruciaux.

 

Mais cette montée en puissance reste encore largement conjoncturelle. Les décisions prises, si elles marquent des tournants, n’ont pas été consolidées dans le droit primaire de l’Union. Elles demeurent hors des traités, souvent prises dans l’urgence, au nom de circonstances exceptionnelles. Le plan de relance n’est pas adossé à un budget européen pérenne et ambitieux, l’aide militaire s’est faite par ajustements successifs, parfois sur ordre et au profit de Washington, les choix stratégiques n’ont pas débouché sur un consensus de long terme quant à l’avenir de la puissance européenne. Le saut qualitatif, celui qui ferait passer l’Union d’une simple coordination réactive à une réelle union politique et démocratique,  n’a pas encore eu lieu.

 

Et c’est là toute l’ambiguïté du moment : l’Europe agit, mais sans réformer en profondeur ses structures. Elle innove, mais sans refonder. Elle surprend, mais sans durer. Tant que ces avancées ne seront pas traduites institutionnellement, par un renforcement des compétences, une révision des traités, ou au minimum une simplification des processus décisionnels, rien ne garantit que cette dynamique se prolonge. Pire, la prochaine crise pourrait produire non pas un sursaut unitaire, mais un effet de fragmentation, de retour aux souverainetés nationales, de repli stratégique. Le ressort de l’unité, une fois distendu, peut se rompre.

 

C’est pourquoi l’enjeu véritable n’est plus seulement celui de l’intégration économique ou juridique, mais celui de la légitimité. Une Europe qui agit doit aussi pouvoir être comprise, discutée, critiquée et appropriée par ses citoyens. Elle ne pourra continuer à s’élargir et à faire face aux défis de demain, changement climatique, transitions énergétiques, rivalités internationales, que si elle parvient à se penser comme une communauté politique. Cela suppose non seulement des institutions plus claires et plus efficaces, mais aussi un récit commun, un imaginaire partagé, une conscience d’appartenance. En somme, l’Europe doit devenir non seulement plus intégrée, mais plus légitime,  au sens fort, politique et symbolique du terme.

 

C- Vers un nouveau paradigme démocratique et fonctionnel

 

Si les récentes crises ont montré que l’Union pouvait se révéler efficace dans l’urgence, elles n’ont pas suffi à combler l’écart grandissant entre l’action institutionnelle et l’adhésion des peuples. Ce fossé démocratique n’est pas une simple lacune conjoncturelle, mais un défaut structurel. Depuis le rejet du Traité constitutionnel en 2005, il est devenu évident qu’il ne peut y avoir d’adhésion politique sans sentiment d’appartenance. L’Union ne souffre donc pas tant d’un déficit démocratique que d’une absence de démocratie véritablement fondatrice. L’hypothèse s’impose : ce n’est pas une démocratisation progressive et timide qu’il faut, mais un acte politique radical, un geste inaugural capable de refonder le lien entre les citoyens et les institutions.

 

Pour cela, plusieurs leviers apparaissent comme essentiels. D’abord et surtout, le Parlement européen devrait devenir le cœur battant de cette nouvelle démocratie : disposer d’un droit d’initiative législative, d’un véritable pouvoir budgétaire, et d’une représentation plus proportionnelle qui reflète mieux la diversité des peuples européens. Il pourrait aussi incarner une direction politique plus lisible, si l’on fusionnait les présidences de la Commission et du Conseil européen, avec une élection directe (ou au moins politiquement investie) qui responsabiliserait les électeurs et clarifierait les enjeux.

 

Mais la démocratie n’est pas qu’un cadre institutionnel : elle repose aussi sur des choix politiques effectifs. Aujourd’hui, le budget européen représente à peine 1 % du PIB total de l’Union, ce qui empêche toute véritable orientation politique lisible. Pour qu’il y ait un débat démocratique, il faut qu’il y ait des options alternatives : par exemple un budget plus pertinent, redistributif, piloté par le Parlement, qui permettrait d’ouvrir un espace de choix et d’opinion. À cela devrait s’ajouter un pacte social européen, combinant convergence des droits, harmonisation fiscale et coordination des protections sociales. L’objectif n’est pas d’uniformiser juste pour le  “ plaisir d’uniformiser”  mais d’éviter les concurrences déloyales et les effets de dumping qui sapent la cohésion. La souveraineté sociale et économique passe aussi par un soutien stratégique aux acteurs industriels européens : il devient urgent de réformer les règles de concurrence afin de permettre l’émergence de “champions européens” dans des secteurs décisifs et contribuant à la souveraineté européenne.

 

Une telle transformation ne suppose pas une uniformité artificielle. L’Union pourrait assumer, comme mentionné plus tôt, une géométrie variable plus cohérente, articulée autour d’un principe renforcé de subsidiarité : ce qui peut être décidé à l’échelle locale doit l’être, mais ce qui ne peut être porté qu’ensemble doit l’être pleinement. Certaines coopérations renforcées, défense, spatial, énergie, numérique,  pourraient constituer un noyau dur de souveraineté partagée, sans exclure les autres membres. Le modèle suisse, avec ses cantons autonomes et son cadre fédéral fluide, pourrait ici inspirer une réinterprétation moderne du projet de Coudenhove-Kalergi.

 

Toute refonte institutionnelle, aussi rigoureuse soit-elle, resterait incomplète si elle ne s’accompagnait pas d’un réenchantement civique. Une démocratie ne vit pas uniquement de procédures, mais de sens partagé, de participation réelle et d’une culture politique commune. Or, l’Union européenne souffre aujourd’hui d’un déficit en la matière : elle peine à susciter l’adhésion, non par faute d’intentions, mais faute d’incarnation. C’est dans cette perspective que le philosophe Luuk van Middelaar propose d’articuler trois formes de légitimité, qui pourraient servir de socle à une culture civique européenne renouvelée. La première est la légitimité symbolique, inspirée de la tradition allemande, qui inscrit le projet européen dans une continuité historique, culturelle et identitaire. La deuxième est la légitimité concrète, héritée du modèle romain, fondée sur les avantages tangibles que l’Europe apporte au quotidien : la mobilité, la monnaie commune, les programmes de coopération. La troisième, enfin, est la légitimité dramatique, empruntée au monde grec, et fondée sur l’engagement direct des citoyens dans les moments décisifs, en particulier lors des crises. C’est dans ces instants de tension, où les décisions ne peuvent plus être différées, que l’Europe se doit d’apparaître comme un acteur politique à part entière. Ce triptyque ne constitue pas une formule magique, mais il offre un cadre intellectuel fécond pour repenser la manière dont les Européens peuvent retrouver une relation vivante, exigeante et libre à leurs institutions.

 

Enfin, il faut revaloriser la citoyenneté européenne. Non plus seulement comme un statut juridique, abstrait et fonctionnel, mais comme une appartenance politique incarnée. Comme l’avait compris Auguste en fondant l’Empire romain, l’identité civique se construit par la participation au bien commun. À l’instar de cet héritage, il faudrait imaginer une citoyenneté européenne active : incluant la participation démocratique, l’engagement volontaire, l’accès à une culture commune et une reconnaissance politique tangible. La citoyenneté ne doit plus rester le simple prolongement d’une nationalité, mais devenir le vecteur d’une Europe vécue, partagée, débattue.

 

Réformer l’Union ne peut se réduire à une simple optimisation de ses rouages institutionnels : il s’agit, plus fondamentalement, de lui redonner sens. Cette refonte implique une double exigence, démocratique, pour garantir l’adhésion des peuples, et symbolique, pour nourrir leur imaginaire. L’Europe doit aspirer à être bien plus qu’un espace de gestion partagée : elle doit devenir à la fois une puissance politique assumée et une communauté de sens. Non pas un édifice technocratique impersonnel, mais un espace où s’articulent souveraineté collective, justice sociale et récit commun. Car aucune construction politique ne dure sans finalité partagée, sans cette forme de foi en un destin qui dépasse chacun…

 

Conclusion : 

 

Ainsi, l’Europe se trouve aujourd’hui à un moment charnière de son histoire. Acceptera-t-elle de rester vassalisée, fragmentée, paralysée par ses divisions internes et son indécision stratégique, en témoigne l’humiliante guerre tarifaire avortée entre Donald J. Trump et Urusula Von Der Leyen ou encore la guerre en Ukraine ? Ou bien saura-t-elle se réinventer, non pas en reproduisant un modèle idéalisé, mais en assumant pleinement ce qu’elle est : une construction politique fragile, mais porteuse d’une ambition sans équivalent ?


La question posée reste entière : voulons-nous tendre vers une “cité de Dieu”  fondée sur la coopération, la justice et la paix, ou bien nous résigner à rester prisonniers des logiques de puissance et de repli qui caractérisent la cité terrestre d’Augustin ? 


Ange